Dans un article de l’édition du 14 novembre 2024 de La Nouvelle République, nous apprenons qu’à la suite des travaux de réparation du Pont Albert Camus qui n’ont pas pu aboutir, une voie a été neutralisée pour permettre d’expérimenter une continuité cyclable.
Ce pont construit en 1977 n’a clairement pas été prévu pour le passage des piétons et des cyclistes. Certains se demanderont pourquoi il est est utile d’aménager aujourd’hui une voie cyclable. Nous avons réfléchi à la question, voici notre réponse appuyée par des observations de terrain et des témoignages.
Un pont dangereux pour les cyclistes et les piétons
Actuellement le Pont Albert Camus n’est pas sécurisé pour les vélos. Malgré les dangers liés au trafic motorisé, des piétons, des cyclistes et des utilisateurs de trottinettes, qui n’ont pas d’autres moyens de transports le franchissent quotidiennement. Nous sommes effrayés de voir ces personnes se mêler aux voitures et aux camions pour aller de l’autre côté de la rivière travailler ou faire leurs achats.
Sur le pont la vitesse est actuellement limitée à 70 km/h, mais dans les faits les véhicule roulent souvent plus vite. Ce comportement se trouve renforcé par les 3 voies offertes par la route : une en direction de l’hôpital et deux en direction de l’autoroute. C’est l’une des ces deux voies qui est neutralisée actuellement (cf photo).
En entrée et sortie de pont, le cycliste doit franchir deux ronds-points. Ces derniers sont distants de 500 mètres et peuvent s’avérer dangereux à vélo. C’est notamment le cas du rond-point de Pila qui est très large et qui comporte deux voies de circulation.
Une piste cyclable pour éviter les détours à vélo (et les dangers cyclables du Pont Camus)
Pour franchir la Vienne à vélo dans ce secteur, le cycliste est contraint d’aller jusqu’au Pont de Loudun par le biais des pistes cyclables qui passent sous le pont Albert Camus, de chaque côté de la Vienne. Le pont de Loudun et le pont Albert Camus sont distants de 1 km environ.
Pour aller de la zone Nord à la zone René Monory ou à la zone du Sanital en utilisant l’itinéraire sécurisé vélo, le cycliste doit aujourd’hui parcourir entre 1,5 et 2 km de plus qu’en empruntant le pont Albert Camus. Les deux trajets sont représentés respectivement en rouge puis en vert sur notre carte.
Lors de notre dernière intervention à l’IUT des étudiants, qui n’avait pas de voiture, nous ont expliqués passer par le pont pour aller faire des courses. Nous comprenons aisément qu’ils renoncent au détour de 2 km par le pont de Loudun. Aller à l’Intermarché de la zone nord en partant de l’IUT cela prend tout au plus 5 minutes à vélo si l’on se risque sur le pont Camus. Le parcours sécurisé qui descend jusqu’au Pont de Loudun impose un trajet trois fois plus long (16 mn à vélo, source Geovelo). On comprend aisément que les usagers vélo rechignent à emprunter les pistes cyclables le long de la Vienne.
La Ville de Châtellerault projette de créer un “« cheminement doux » le long de la rivière, sur une portion d’1,2 km, entre le pont Albert-Camus – où s’arrête la liaison cyclable de la rive gauche – et la limite d’Antran – matérialisée par le pont qui enjambe le ruisseau du Pontreau, sur la route départementale” (cf article de la Nouvelle-République). En l’absence d’aménagement cyclable et piéton sur le pont Camus, les usagers qui l’emprunteront et qui voudront aller vers les zones d’activité rive droite (Désirée, Zone Nord et Argenson) devront faire un détour de plus de 2 km. En venant du bourg d’Antran qui est situé à 2 km de ce pont cela représente un parcours deux fois plus long. A titre d’exemple, s’il pouvait passer en sécurité sur le Pont Camus, un salarié habitant Antran mettrait une dizaine de minutes en VAE (vélo électrique) pour se rendre à son travail à l’usine Safran (à peu près le même temps qu’en voiture en s’épargnant les bouchons !). Il lui en faut aujourd’hui près de deux fois plus s’il utilise les pistes cyclables en bordure de Vienne.
Se priver d’un itinéraire sécurisé pour les cyclistes par le pont Camus c’est restreindre l’usage de la future piste cyclable Antran-Châtellerault. Mais l’absence d’aménagement sur le pont Camus c’est surtout mettre en danger les personnes qui pour des raisons pratiques vont au plus court à vélo, à pied ….
Que veut-on expérimenter ?
Dans l’ article de The Conversation décryptant l’étude de l’Ademe sur « Acceptabilité des mesures de réduction de la place de la voiture » publiée en septembre 2024, il est rappelé que « la méthode de l’expérimentation est utile pour familiariser les citoyens à une nouvelle mesure, […]. Elle laisse également le temps aux individus concernés de déployer des stratégies d’adaptation satisfaisantes, et aux pouvoirs publics de réorienter l’action si nécessaire ».
L’expérimentation consiste seulement à neutraliser une voie sur 500 m entre les deux ronds-points. Si elle devrait permettre de mesurer l’impact sur le trafic automobile, accéder à cette voie neutralisée actuellement n’est pas sécurisé pour les cyclistes. C’est la limite de cette expérimentation, mais c’est déjà bien.
Comme le souligne l’étude « l’implication citoyenne à toutes les étapes du projet est un facteur clé de succès : consultation citoyenne, participation des associations et corps intermédiaires, dialogue, discussion et débat, voire référendum local… Il faut créer l’opportunité d’entendre tout autant les opposants que les soutiens, généralement plus silencieux ».
Nous espérons que nous pourrons disposer bientôt des conclusions de cette expérimentation. Des aménagements sécurisés permettraient enfin aux usagers vulnérables de franchir sans dangers le pont Camus .