Un projet de 17 pistes cyclables en 2032 pour un coût de 16,8 millions d’euros, les chiffres seuls même s’ils sont détaillés à la manière d’un plan comptable, n’assurent pas le succès d’un plan vélo. Après avoir découvert l’article de la Nouvelle République “17 pistes cyclables d’ici 2032” et parcouru le rapport final du plan vélo l’association d’usagers “à vélo Châtellerault” souhaite réagir à ce projet qui nous parait manquer de sens et de volonté de faire une place au vélo dans les communes.
Nous partageons ici notre analyse et nos suggestions pour bâtir sur la durée un plan vélo dans l’espace non urbain.
- Ce plan se concentre autour de Châtellerault
- Quel cadre Grand Châtellerault va-t’il mettre en place pour lever les obstacles et faire vivre le plan vélo ?
- Il existe d’autres angles de travail pour développer la pratique du vélo
- Rendre la voirie rurale cyclable pour la santé et l’autonomie des jeunes
- Quelles actions entreprendre pour favoriser la mobilité vélo globalement sur Grand Châtellerault ?
- Comment concevoir un plan vélo proche des usagers
- Conclusion
Ce plan se concentre autour de Châtellerault
Alors qu’il y avait l’occasion d’imaginer des solutions pour aller à vélo à proximité de chez soi pour l’ensemble des habitants de l’agglomération, le plan semble se concentrer autour de Châtellerault comme l’illustre une carte où la plupart des pistes prioritaires rayonnent autour de la ville. Malgré une enquête et des comités d’usagers le dossier publié laisse peu de place aux habitants des hameaux qui composent Grand Châtellerault et à leurs déplacements au quotidien.
“17 liaisons cyclables pourraient voir le jour d’ici 2032”, le conditionnel du sous titre de l’article fait écho aux réserves qui émaillent la mise en œuvre du plan. Le déroulé projette de financer seulement un gros tiers des investissements dans les cinq ans, les coûts les plus importants sont repoussés au delà des mandatures municipales.
Quel cadre Grand Châtellerault va-t’il mettre en place pour lever les obstacles et faire vivre le plan vélo ?
Alors que l’agglomération identifie les freins à intervenir sur des territoires relevant de multiples couches administratives et qu’elle mesure la difficulté des petites communes à agir, elle n’y apporte pas de réponses concrètes. Une fois le cap lointain de 2032 défini, comment lever les obstacles et avancer par étape durant les neuf prochaines années? Hors du schéma établi, on cherche en vain, une organisation et une méthode qui ferait vivre ce projet sur la durée. Il est peu question de partager les bonnes pratiques et de réunir autour de la table les acteurs dont les usagers et leurs représentants dans des groupes de travail.
A vélo Châtellerault s’étonne de se voir confier les missions d’atelier de vélo participatif qui ne figurent pas dans ses priorités. Cela n’a pas été validé avec l’association. Cette erreur est à l’image de ce programme façon puzzle où les idées se succèdent parfois sans être pleinement construites. Notre objectif n’est pas de venir après-coup relever les approximations. Malgré notre volonté de participer au plan vélo, nous avons le sentiment d’être restés sur le quai. Ce projet s’est élaboré sans que l’association ait été entendue sur le fond. Notre participation cantonnée aux ateliers participatifs ne nous a pas permis d’aborder l’orientation du plan vélo. Faute d’avoir pu le faire avant, nous souhaitons aujourd’hui revenir sur la finalité du projet et ouvrir d’autres perspectives.
Il existe d’autres angles de travail pour développer la pratique du vélo
Nous observons que l’engouement pour le vélo ces dernières années dépasse le périmètre de la ville et que pour qu’il se propage davantage il mérite d’être encouragé par les collectivités. Le projet présenté nous parait éloigné des usagers et du potentiel des déplacements à vélo.
La mobilité vélo est à envisager non exclusivement autour du « vélotaf » mais bien plus largement. Les politiques cyclables concernent à la fois les jeunes, ceux qui sont en emplois et ceux qui ne les sont plus. Se déplacer des hameaux où l’on réside vers les services et commerces des communes voisines prend le plus souvent moins de vingt minutes à vélo. Hors des villes c’est en premier sur cette mobilité domestique que le vélo offre une alternative à la voiture. Le succès du VAE (vélo à assistance électrique) est aussi celui du vélo à la campagne. Le succès des subventions à l’achat de vélo en témoigne, les seniors qui disposent de temps se mettent au vélo partout sur l’agglomération.
Rendre la voirie rurale cyclable pour la santé et l’autonomie des jeunes
En zone rurale nous souhaitons que les enfants à moins de 5 km d’un collège puissent y aller à vélo en toute sécurité. Le sentiment des professeurs de sport s’est vu confirmé par les études de santé, « en 40 ans les enfants ont perdu 25 % de leur capacité physique » (cf. fédération française de cardiologie ). Leur permettre d’aller à l’école à vélo c’est un moyen simple et efficace de retrouver l’activité physique utile à leur développement. C’est aussi les aider à gagner de l’autonomie et faciliter leurs activités extras scolaires. L’investissement d’aménagements cyclables allègera la charge départementale d’organisation des transports scolaires.
Avec une voirie cyclable sécurisée, les jeunes n’auront plus besoin de parents-taxi pour se rendre à la piscine, à la médiathèque ou vers d’autres activités sportives et culturelles, chacun s’en réjouira.
Même constat près des écoles, des aménagements piétons et cyclistes inciteraient les parents à utiliser autre chose que la voiture. Les études le montrent, un enfant qui fait 10 à 15 minutes de marche pour se rendre à l’école est plus disponible pour les apprentissages qu’un enfant que l’on a jeté dans la voiture en lui disant “dépêche-toi”. Les jeunes d’aujourd’hui seront les cyclistes de demain.
Quelles actions entreprendre pour favoriser la mobilité vélo globalement sur Grand Châtellerault ?
La mise en œuvre dans les deux prochaines années de réalisations simples au plus près des besoins des usagers sont notre priorité. Voici pour clarifier quelques mesures simples qui illustrent notre vision d’un plan vélo pour tous.
Sécuriser les stationnements vélo dans toutes les communes
La première d’entre elles (nous l’avons exprimée lors des ateliers participatifs) est celle du stationnement vélo. Dans chaque commune les personnes doivent pouvoir garer leur vélo à proximité des services et commerces de proximité sans craindre le vol. Le guide « le coût des politiques vélo » du Club des villes et territoires cyclables estime à 120€/unité l’investissement d’un arceau vélo. Équiper l’ensemble des communes d’un nombre suffisant d’arceaux vélo est essentiel. Ce travail reste bien moins coûteux que les deux millions d’euros nécessaires pour un seul des aménagements du plan et ils nous semblent plus utiles.
Indiquer les itinéraires cyclables à l’échelle des bourgs
Le second point est celui du jalonnement. Se déplacer à vélo, dans les communes n’est pas compliqué pour ceux qui ont de l’expérience. Comment partager cette expertise et rendre visible les itinéraires adaptés à la bicyclette, non pas uniquement pour aller à Châtellerault, mais pour les déplacements de proximité où l’on pourrait se passer de la voiture. C’est en premier un travail de jalonnement qui doit être mené sur tout le territoire. En clair, il s’agit de repérer les tracés cyclables, et de poser des panneaux utiles pour indiquer à ceux qui vont à vélo comment se déplacer à proximité en sécurité. Il s’agit à nouveau d’investissement léger au regard de l’aménagement de pistes cyclables. Une communication numérique et imprimée à travers des plans pratiques complétera le jalonnement de terrain. C’est un travail incontournable à mener progressivement sur l’ensemble du territoire de Grand Châtellerault.
Renforcer la sécurité cyclable des voies partagées
Le partage de la route est souvent possible dans nos communes. Des aménagements simples pourraient l’optimiser à travers des aménagements de type « chaucidou » ou des dispositifs ralentissant la circulation automobile et favorisant la circulation des vélos. Ce changement de paradigme mérite d’être porté et expliqué par la communication des collectivités.
Sécuriser la traversée à vélo de chaque commune
Pour terminer cet éventail d’initiatives, penchons-nous sur les conditions du partage de la voirie dans la traversée des communes. Bien souvent les villages sont confrontés à un trafic passager rapide des automobiles peu compatibles avec l’usage du vélo. L’objectif est de permettre au plus fragiles de se déplacer sans crainte à vélo. Qui aujourd’hui laisse ses enfants aller seuls à l’école à vélo ? Il ne s’agit pas seulement de tenter de freiner le passage des voitures. La sécurité des personnes à vélo demande la construction d’aménagements et de signalisation pour y circuler aisément.
Comment concevoir un plan vélo proche des usagers
Cette approche au plus près du terrain n’a rien d’utopique. Le document plan vélo du Thouarsais ne dit pas autre chose dans son introduction :
« Afin de promouvoir et développer la pratique du vélo pour les usages quotidiens, il est important de sécuriser la pratique et de la rendre agréable pour l’usager. Pour que cela fonctionne, les habitants du territoire doivent avoir envie de se déplacer à vélo et doivent se sentir en sécurité. Pour cela, il faut un meilleur partage de la voirie en aménageant des espaces pour les vélos et rendre visible cette pratique. Plus de sécurité et de visibilité passent aussi par le développement du stationnement vélo, en favorisant le déploiement des arceaux. Il est important que les usagers n’aient pas peur de se faire voler leur vélo et
qu’ils puissent l’attacher au plus près de leur destination. ».
Il se poursuit par le chapitre « A l’échelle du bourg », qui décrit une manière d’agir au plus près des gens. On y retrouve des bonnes pratiques concrètes à déployer.
Conclusion
Notre réaction vise à participer à la politique cyclable de manière pratique et pour le plus grand nombre. C’est le cœur de notre action depuis un an. Cette contribution indépendante nous paraît utile au débat public. Nous souhaitons qu’elle ouvre lieu à davantage de place pour l’échange et le travail en commun avec les collectivités.